Nouveau roman : Un été chez Jida

Bonjour tout le monde,

Cela fait longtemps maintenant que je ne vous ai pas écrit ici. J’ai vu des messages, des mails, des commentaires qui m’ont été adressés, je les reçois et je les lis tous. Seulement je manque d’y répondre parce que aujourd’hui je me sens loin de cette vie, de Juliette, de C., et j’ai écrit d’autres livres sur d’autres sujets qui m’importent tout autant et qui doivent être partagés. Si ça vous intéresse d’en connaître plus sur moi, je vous invite à suivre ce lien :

Un été chez Jida, éditions du Cherche Midi.

Ce roman s’inscrit dans une suite de mon travail d’écriture. Mon écriture passe par une volonté presque farouche d’être au plus proche de ce que je ressens et de ce que j’ai vécu.
Un été chez Jida parle de mon enfance dans une famille kabyle, du silence et de la violence. Ce roman est une évidence à mon parcours, à ce que j’incarne aujourd’hui.

Je vous remercie de m’avoir lue, de partager vos ressentis et émotions sur ce blog, toujours et encore, vous qui êtes si nombreux.

Bonne lecture. A bientôt !

Lolita.

2017

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Tu viens sur ce blog par hasard ou par désir. Tu viens pour lire plusieurs pages ou en diagonal, pour trouver un certain courage, pour tenter de comprendre ce qui t’habite, pour découvrir que tu n’es pas seul. Puis tu veux m’écrire, toi aussi, et à travers lettres ou commentaires, tu me racontes alors ta relation. Coke, pilules, MD, herbe, alcool et bien d’autres.

J’ai écrit ce roman  « C. » (La face noire de la blanche) qui en a aidé beaucoup et en aidera encore, qui continue de se vendre comme des petits pains. Chaque vente est un coup dans la poitrine – la drogue est encore trop présente, trop maligne et destructrice – mais aussi un soulagement de te savoir en quête d’une porte de sortie. Tout comme chaque visite sur ce blog est un coup dans la poitrine, et un soulagement.

J’aimerais vous répondre, à tous, un par un, très personnellement, comme je pouvais encore le faire trois ans auparavant. Je lis vos mots avec beaucoup d’intérêt, et je vois combien ce blog continue de vivre malgré moi, grâce à vous et vos échanges, commentaires, réactions.

Tu peux me suivre sur Instagram « Lolita Sene » pour avoir un aperçu de mon train de vie, entre écriture, sommellerie et bouquin.

<3

— extrait de C.

« Minuit et je sens le démon qui m’habite. Tu m’invites à prendre place dans le canapé. Sur la table basse, tu commences à dessiner des lignes. On met de la musique, on sort le whisky et on tape jusqu’au petit matin. 
Je suis emportée, élastique, j’ai la bouche qui fourmille. Tu me parles d’un livre que tu as lu récemment et que tu m’offriras bientôt. Tu me racontes tes projets, tes amis, un peu ta famille. Puis on finit par s’embrasser. Ton haleine me plait, cette odeur d’alcool et de tabac chaud mêlée au parfum de tes lèvres. Ton corps brûle sous mes doigts. Je touche pour la première fois un homme de ton âge, je parais si petite entre tes bras. Ton visage est anguleux avec un nez saillant, tes cheveux noirs et épais sur le haut du crâne, ta peau mate. Puis tu me prends par la main pour m’emmener jusqu’à la chambre. Il n’y a plus de temps, il n’y a plus d’heures et on finit par tomber d’épuisement dans nos sueurs.
Le lendemain, je me sens toute fraîche, j’ai envie de toi, encore. Ça sent la lessive propre, le luxe et le coton. Je voudrais ne plus jamais en sortir. « 

Dernier cri

Je crois qu’il n’y a rien de plus ennuyeux que les blogs qui s’essoufflent mais continuent de publier en commençant leurs articles par un « ça fait longtemps que je n’ai rien posté ici… » ou un « les statistiques de mon blog… » tant il n’y a plus rien à raconter. Vous êtes encore nombreux à m’écrire, pour me poser des questions à propos de la coke ou simplement savoir comment je vais. Je décide donc, en ce matin de presque octobre 2015 – 6h35 – de prendre une dernière fois ma plume ici, avant de continuer ma route entre écriture et oenologie, peinture et voyage.

Vous pourrez toujours me suivre (mon site) ou bien (mon twitter).

Je vais bien, ça, c’est certain ! Pour ceux qui ont suivi, j’ai publié un récit en mars dernier, où je pense tout raconter à propos de la coke, du moins de ce que j’en ai vécu. Je me suis dévoilée pour tenter de venir à bout de ce sujet qui n’en finit pas de faire du bruit. J’ai eu la chance de faire des rencontres extras avec lecteurs, journalistes, monde de l’édition et écrivains. Mais aussi, de vivre parfois cette impression d’être enfoncée six pieds sous terre à cause de commentaires troublants et remarques dénigrantes. Jusqu’à me demander pourquoi cette violence, qu’est-ce qui pousse à être si dur avec les mots, doigts sur clavier ? Remettre en doute la véracité de mes propos, penser que je mens ou imaginer un coup médiatique… Mais non ! J’ai écrit cette histoire pour porter un éclairage, justement celui que je n’avais pas eu à 20 ans, et espérer que le prochain qui hésite à taper une ligne de coke en soit complètement dissuadé.

Ce qui m’amène à repenser aux réflexions très spéciales, que je peux encore lire, à propos du roman de Louisiane Dor « Les méduses ont-elles sommeil ? » lequel traite (presque) du même sujet que le mien : drogue, jeunesse, Paris. Avalé cet été, je ne peux que saluer la sincérité de son histoire, tant je me suis retrouvée à plusieurs reprises dans des situations aussi rocambolesque que sa narratrice. Depuis, j’échange avec Louisiane et cette relation épistolaire me réconforte dans l’idée que oui, c’est idiot d’être jaloux, que oui, ça aurait été nul que je me braque simplement parce qu’on a sorti des livres paraissant au prime abord similaires mais qui restent, au fond, uniques donc différents. Chacun porte en lui une histoire à raconter, elle nourrit ses viscères jusqu’à lui donner maux et fureurs. Pour s’en détacher, pour la tuer, il faut prendre un stylo et la coucher sur papier. Et ça porte bien plus ses fruits que de fouetter un auteur.

Pendant mon voyage en Inde ce mois dernier, j’ai rencontré l’auteur Deepti Kapoor. Elle vit à Goa et a publié au début de l’année un roman intitulé « Mauvais Garçon » et traduit aujourd’hui en France (Seuil). Elle y raconte aussi une jeune fille qui tombe amoureuse d’un mec et de la poudre. L’histoire se déroule à New Delhi, mais hormis ce détail, les diagonales convergent avec celles de mon roman ou celui de Louisiane. Parce qu’ici ou ailleurs, la cocaïne continue son chemin pour emprisonner les coeurs d’une génération en quête de sensation, de reconnaissance et d’elle-même.

Déjà deux années (28 mois, pour être exacte) sans une ligne de cocaïne, laquelle a bel et bien été remplacée par des lignes d’écriture. Je viens de boucler mon deuxième roman et m’attèle à la rédaction d’une pièce de théâtre que j’espère mettre en scène courant 2016. Deux années aussi depuis l’ouverture de ce blog, en octobre 2013, déjà. Heureuse, très heureuse d’avoir pu vous conseiller et vous épauler, chers lecteurs, d’en avoir aidé quelques-uns d’entre vous aussi. Et triste, un peu, de vous quitter. Bonne continuation à tous et n’oubliez pas : Soyez différents !

— Lolita Sene (Juliette F.)

Pour commander mon livre en format kindle « C. La face noire de la blanche », celui de Louisiane « Les méduses ont-elles sommeil ? » ou encore celui de Deepti « Mauvais Garçon ».

Extrait de « C., la face noire de la blanche »

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Chapitre 23 

Nous voici en décembre, les fêtes s’annoncent. J’affronte chaque soirée comme une guerre psychologique. Une torture que je m’inflige devant les autres : je salive toujours autant de les voir en prendre. Je ressens la dépendance me tirailler de la tête jusqu’au cœur.

Je bois pour oublier l’envie, pour finalement en avoir encore plus envie. L’alcool appelle la cocaïne, comme le café appelle la cigarette. Il suffit d’un verre, et c’est la catastrophe : j’ai les méninges qui tournent en boucle, des réflexions démesurées sur le sujet me vampirisent toute la soirée.

Quand c’en est trop, je saute dans un taxi, ivre et triste de me découvrir ainsi.

Je compte les jours « sans », les nuits « sans ». Deux mois et demi me paraissent tellement peu face à ce qui s’apprête à être définitif. Je m’oblige autant que possible à fréquenter des personnes qui ne consomment pas, pour être sûre de ne pas avoir d’écart et me protéger. Bien qu’elles se fassent rares autour de moi, je m’y accroche pour ne pas vaciller.

Je commence aussi à me fixer de nouvelles règles, plus strictes encore. J’efface tous mes numéros – adieu Booba ! Dépenser de l’argent pour une poudre qu’un simple éternuement suffit à faire s’envoler me déprime.

Ensuite, j’emménage seule. Bien que l’isolement m’inquiète – que vais-je faire si j’ai une crise, ou si je m’ennuie ? –, je dois me retrouver, intérioriser un peu. Seule face à ma propre image, face à mon être, il n’y a pas de comédie qui tienne. Si je prends une trace, ce n’est pas pour défendre une certaine image. Si je prends une trace, c’est parce que j’en veux une. Quand on habite à plusieurs, on se réconforte comme on peut, on estime qu’il y a moins de problèmes, l’autre supporte les écarts et les sautes d’humeur. Il agit de même aussi, parfois – il est notre miroir.

Le studio ressemble à une petite boîte en carton. Il n’y a pas de place pour deux, seulement pour moi. Les fenêtres donnent uniquement sur une cour privée entourée d’immeubles gris. Je n’aurai plus comme spectacle la vue sur la rue, avec toute son énergie remuante, les passants, la circulation. La sensation d’être prisonnière du reste de la ville me ronge certains soirs de solitude. Je passe de longues heures à scruter ces murs si serrés, l’espace restreint, la petite lumière pâle, et me force à admettre que cet ensemble n’a pas volonté à m’étouffer mais à me réconforter.

Je tente de remettre en ordre mon quotidien, en m’attaquant au mémoire de recherche qu’on doit rendre pour la fin de l’année. Mon temps se divise alors entre l’écriture et les soirées que je ne peux vraiment pas éviter.

Et c’est au moment où j’acceptais à peine cette séparation à vie que j’ai replongé. Je pensais maîtriser et pourtant, il a suffi d’une soirée.

Alors qu’on vient de finir de dîner en tête à tête et que le vin fuse dans mon sang, là, assise sur le bout du canapé, quand il sort le pochon, qu’il aligne les lignes, que sa carte tapote la poudre, là, alors que personne ne me voit sauf lui, là, à cet instant, alors que j’en ai irrésistiblement envie, il m’en propose. Mes yeux brillent, mon cœur bat. Très fort. Sa demande fait écho dans mes oreilles. Je ne sais plus si j’ai le droit ou non. Presque trois mois que je suis clean, pas une ligne et pourtant rien n’a changé. Mes démons ne me lâchent pas. Une ligne, juste une, pour oublier ce mec d’hier, ou simplement pour faire la fête… Une ligne pour oublier ma fatigue, mon quotidien…. Ça fait si longtemps que je n’ai pas tenu toute une nuit… J’en ai irrésistiblement envie. « La moitié, sinon, il dit pour me rassurer, pas besoin de tout prendre…
— Oui, c’est vrai. Et puis juste une, ça ne peut pas me faire de mal ! » je balance en m’approchant.
En fait, il n’a pas idée de l’état dans lequel je suis, combien c’est dangereux pour moi, un aller vers l’enfer assuré. Il n’a pas idée de ma tristesse, de mon désarroi, de ma perdition. Qu’il ferait mieux de me soutenir au lieu de m’en fournir. J’aurais aimé trouver la force de me souvenir de la poudre comme mauvaise farce, ce manège malsain que j’avais en horreur. Mais là, au bout du canapé, j’ai gommé de ma mémoire le mal pour ne penser qu’au bien – cet état de plénitude dans lequel elle va m’envoyer.

S’il m’en propose, ce n’est en aucun cas par méchanceté mais plutôt par nostalgie. Où est donc passée la Juliette avec qui je partageais ma poudre ? doit-il penser inconsciemment. On prenait de la cocaïne ensemble parce qu’on aimait ça et qu’on ne se connaissait qu’à travers ce chemical relationship. S’il en prend seul, il n’y a plus le même enjeu. S’il en prend seul, il reconnaît qu’il est dépendant. Le cocaïnomane préférera toujours partager sa drogue, parce qu’il faut avancer à deux, dans cette nuit qui va être longue – et malgré ses multiples tentatives de m’entraîner dans ses débauches, encore des années plus tard, il restera mon ami.

Le dîner s’est achevé vers huit heures le matin, à danser, à parler de sujets incompréhensibles, à s’embrasser avidement.

Cette petite ligne s’est transformée en une série d’autres bien pleines, toute la soirée. Puis le samedi suivant, puis le lundi, puis le jeudi, puis le week-end suivant encore, puis le mercredi, le jeudi, le lundi, encore le jeudi suivi du vendredi… J’ai replongé pendant plus d’un an.

C’était à prédire – arrêter dans ces conditions était trop risqué. Continuer de côtoyer ce monde en pensant que j’allais être assez forte pour lui faire face et me maîtriser, confondant de naïveté. Toute cette foire boueuse dans laquelle je pataugeais démontrait combien je n’étais pas prête.

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